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Production du livre Colorimétrie

Avant de nous lancer dans la production du livre, nous nous sommes rendus à l’imprimerie Quadriscan pour rencontrer Charles Morin. Le but de cette visite était de mieux comprendre les enjeux concernant le format du livre, le choix du papier, le type d’impression et les possibilités d’alternance des cahiers.

Nous avons sélectionné un des papiers qui s’avère être un des plus dispendieux sur le marché actuellement, Mohawk Superfine, mais c’est celui qui offre à la fois le type de blanc que l’on recherchait et une qualité essentielle pour la longévité du livre. En effet, il s’agit d’un papier non couché, au PH neutre et de qualité archive : une protection est ajoutée après la fabrication du papier, pour le protéger des facteurs extérieurs.

Nous avons considéré deux procédés d’impression, numérique et offset. À cette occasion, nous en avons appris plus sur la presse Indigo. Elle fonctionne avec un procédé électromagnétique, comme toutes les presses numériques, mais utilise une encre liquide, et non pas en poudre, ce qui la rapproche d’une presse offset. Cette encre est plus permanente, ce qui nous conforte dans notre projet de réaliser un livre durable. Les tests d’impression s’étant révélés concluants, nous avons donc opté pour cette technique qui, en prime, génère moins de gâche de papier. Comme les coûts fixes sont moindres, nous avons pu choisir un petit tirage de 300 exemplaires, à raison de 150 en français et 150 en anglais. Frédéric Johnson, le pressier, nous a expliqué qu’il existait 4 courbes différentes de couleur, ajustables selon le type de papier. En jouant sur les réglages, nous avons donc opté pour un réglage offset, qui donne un rendu plus mat.

Un autre aspect important du coût de production est cette idée que nous avions eue d’alterner l’ordre des cahiers, ce qui permettait d’obtenir une variation de 8 couvertures pour le même ouvrage, amplifiant ainsi l’aspect aléatoire du projet. Malheureusement, cela impliquait un gaspillage important de papier lors de la reliure. Mais la presse numérique nous a permis de garder cette idée, sans occasionner de gâche supplémentaire. Les 300 exemplaires du livre auront donc 60 couvertures arrière différentes, chacune représentant une figure colorimétrique originale.

L’aspect aléatoire sera exploité plus largement dans les versions électroniques, c’est à dire pour l’application iPad et le film d’animation. Cette version du projet est en cours de développement. Nicolas collabore présentement avec Éric Renaud-Hood, un étudiant en computer science à l’Université McGill, qui assure la programmation.

En complément du livre, nous avons imprimé une sélection de quatre figures colorimétriques sur du papier coton de grand format (38 x 50 pouces). Chacune des figures a été produite en huit couleurs et huit exemplaires. Simon Laliberté, étudiant en design graphique, a aidé Nicolas pour l’impression en sérigraphie.

Toutes ces pièces seront présentées lors du lancement, qui aura lieu le jeudi 20 décembre à l’École de design de l’Uqam.

Techniques d’impression en relief

Pour mieux connaître les possibilités de réalisation de notre livre tactile, nous avons visité Gravure Choquet, un atelier spécialisé en techniques de finition. Son directeur Patrick Choquet nous a expliqué plusieurs procédés de mise en relief et montré les presses permettant de les effectuer.

Le gaufrage, qui est une des méthodes les plus anciennes et les plus précises, peut créer des formes multi-niveaux en creux et en relief allant jusqu’à 1/8 de pouce. Il est réalisé au moyen d’une plaque matrice (en creux) et d’une plaque contre-matrice (en relief) gravées et pressées simultanément de chaque côté de la feuille. L’endos de la page conserve alors le creux inverse.

L’estampage à chaud, lui, consiste à appliquer une couleur mate ou dorée, souvent métallique, avec une matrice en relief chauffée et pressée sur un ruban de couleur. Puisqu’il laisse une marque en creux, il doit être effectué avant le gaufrage s’ils sont combinés, une avenue que nous envisageons pour le titre en couverture de notre livre.

La spécialité de l’atelier est la gravure, pratiquée avec le procédé intaglio. Ce dernier consiste à déposer l’encre sur une plaque gravée en cuivre qui est ensuite essuyée pour ne laisser l’encre que dans les creux. La pression de la plaque sur le papier imprime un fin tracé en relief. Cette technique, plus dispendieuse, est utilisée pour les petites surfaces et peut atteindre une grande précision dans les détails. On la retrouve notamment sur le papier monnaie, car elle est très difficile à dupliquer.

Nous avons également visité Thermographie Trans-Canada, une entreprise qui offre une autre option de mise en relief, la thermogravure. Celle-ci implique de déposer une poudre sur l’encre encore humide, ce qui la fait gonfler lorsqu’elle est cuite. Contrairement au gaufrage, ce procédé plus récent n’implique pas de creux à l’endos du papier. Il se révèle plus abordable, mais moins précis que le gaufrage. Il est effectué sur des presses de petits formats, utilisées pour de la papeterie. L’équipe de la chose imprimée, qui a réalisé la publication Exemplaire 2011 pour l’École de design, en a profité pour tester cette technique sur la couverture. Le texte en 7, 8.5, 9, 12 et 17 point a été thermographié sur une photographie imprimée en quadrichromie. Le résultat est très satisfaisant.

Le « UV raised varnish », procédé similaire à la thermogravure, relève d’un vernis imprimé en sérigraphie qui gonfle sous les ultra-violets. C’est la méthode qui semble répondre aux besoins de notre projet, car elle permet d’imprimer sur de plus grands formats de feuilles (jusqu’à 28 x 40 pouces). Le directeur technique Sylvain Prégent a fait beaucoup de recherche et de développement pour perfectionner cette technique. On peut obtenir trois niveaux d’épaisseur et ce, sur un papier vierge, une image en offset ou même une couverture laminée. Il serait possible d’appliquer ce procédé sur nos petits points de couleurs, mais la question de la précision reste complexe. Sylvain Prégent explique que le papier est vivant et que selon la grandeur de la feuille, il prend de l’expansion ou se rétrécit au gré de la température et de l’humidité ambiante. Il faudra alors évaluer le projet au moment où le design sera finalisé et l’ajuster au besoin.

Institut Nazareth & Louis-Braille

Au mois d’octobre, une rencontre avec Janie Lachapelle, à l’Institut Nazareth & Louis-Braille, nous a permis de visiter les installations où sont produits des livres et des magazines en braille, dont les questions techniques de conception et d’impression nous intéressaient.

Une imprimante embosseuse est utilisée pour les petits tirages (75 à 100 copies). Comme pour tous les livres en braille, le papier utilisé doit être résistant et assez cartonné, en plus d’être lisse afin de faciliter la lecture des cellules. Avec cette technique, l’embossage n’est possible qu’au recto du papier.
L’impression sur feuilles de plastique a l’avantage de rendre les cellules plus résistantes et de pouvoir se laver, ce qui peut être pratique pour des livres de recettes en braille, par exemple. Comme les feuilles sont transparentes, elles permettent aussi ce qu’on appelle les duos-médias : à un livre traditionnel déjà existant sont ajoutées des pages transparentes où se trouve une transcription en braille du texte. Cette technique est souvent utilisée dans des livres pour enfants, où le texte de chaque page est assez court pour être transcrit en entier, ce qui permet à des parents aveugles d’enfants non-aveugles, ou l’inverse, de partager la lecture d’un même livre.

Pour les tirages plus élevés, tels que celui de la revue Le carrefour, produite à 300 exemplaires, on a recours à une presse, rappelant le offset, qui utilise des plaques de zinc embossant quatre pages à la fois, dont les rangées de cellules sont décalées afin de permettre l’impression recto verso. Les revues sont imprimées sur du papier plus mince, moins résistant, puisque leur qualité de média éphémère fait qu’elles sont gardées moins longtemps.

Nous avons aussi appris qu’il n’est pas possible de rogner les publications en braille comme on le fait pour les livres traditionnels, puisque cela écraserait les cellules et en diminuerait la lisibilité. C’est cette même raison qui fait qu’il ne faut pas entreposer ces livres à plat où les empiler.

Pour les personnes qui ont un résidu visuel assez important pour pouvoir lire de l’imprimé traditionnel, il existe des livres adaptés, imprimés en gros caractères (18 points), où sont utilisées des polices sans empattement, simples (Verdana, Arial, Tahoma), qui facilitent la lecture.

Janie Lachappelle nous a montré les impressionnants cartables contenant les plans en relief de chacune des stations du métro de Montréal. Chaque cartable contient les informations sur une seule station de métro, dans une seule des deux directions. Ces cartes en relief fonctionnent avec une légende où sont indiqués différents repères (téléphone, mur, portes métalliques, escaliers roulants, support à vélo, etc.) qui permettent aux personnes aveugles qui les ont étudiées à l’avance et apprises par cœur de circuler dans la station de métro et autour de celle-ci, étage par étage.

Trois techniques différentes permettent de produire des images tactiles. Il y a d’abord le thermoformage, qui consiste à utiliser une matrice en bois ou une maquette en relief pour en imprimer la forme dans des feuilles de plastique. Ce procédé, souvent artisanal, est plus ou moins courant : son utilisation est fastidieuse, les détails sont difficiles à produire et la maquette, à cause de la chaleur, tend à se détériorer graduellement. Par contre, elle peut permettre une variété de textures intéressantes. Ensuite, la technique du thermogonflage consiste à faire gonfler une encre à la chaleur. Elle peut être utilisée pour écrire le braille, mais sert principalement à créer des dessins. C’est grâce à cette technique que sont confectionnés les plans tactiles du métro. Finalement, une technique plus récente permet de tracer les contours d’une image grâce à une embosseuse vectorielle qui réalise le suivi d’un dessin, d’un tracé. Les embossages sont identiques d’une copie à l’autre, et permettent plus de subtilité dans le tracé.

Grâce à Francine Barry, qui travaille à la documentation de l’Institut, nous avons aussi pu consulter des livres sur les techniques de représentation tactile d’images. Elle nous a suggéré, pour poursuivre notre réflexion, de nous rendre au Service québécois du livre adapté (SQLA), situé à la Bibliothèque nationale du Québec.