L’événement La chose imprimée au Centre de design, qui s’est déroulé du 22 au 25 janvier dernier, s’est avéré une expérience très riche en échanges et en réflexions. Elle a été l’occasion de réunir plusieurs acteurs du milieu du livre indépendant, partageant une passion et une vision similaires, pour discuter de sa conception et de sa diffusion actuelles.
Lors de la soirée d’ouverture, plus de 270 personnes se sont présentées pour visiter l’exposition et la foire du livre, dans le contexte du lancement de Résidus visuels. Judith Poirier a présenté le projet de La chose imprimée, ses différentes réalisations et ses travaux en cours. En complément, le visiteur était invité à suivre les étapes du projet sur des affiches grand format, qui regroupaient par thèmes les articles et les photos de notre site web.
Les trois librairies invitées pour la foire du livre (Formats, New Distribution House et la librairie du CCA) présentaient les publications de leur catalogue, créant une vitrine variée sur l’édition indépendante et le livre d’artiste. Claudia Eve Beauchesne, qui coordonnait la foire, affirme avoir été touchée par l’esprit de collaboration entre les trois distributeurs. La foire a permis de montrer que les livres autopubliés bénéficiaient d’une plateforme de diffusion dynamique et ouverte à la nouveauté, donnant même à plusieurs l’envie d’appuyer ou de se lancer dans la création d’ouvrages imprimés indépendants.
L’événement a également permis de rendre publique l’approche particulière de l’histoire du livre conceptuel élaborée par Angela Grauerholz et Judith Poirier dans le programme de design graphique de l’UQAM. Elles avaient réuni une collection impressionnante d’ouvrages ayant marqué l’histoire du design d’auteur, que l’on pouvait observer et feuilleter. Parallèlement, une frise chronologique présentait une synthèse de l’évolution de cette démarche, de Un coup de dés de Mallarmé jusqu’à aujourd’hui. On pouvait y lire des citations significatives sur la notion d’auteur et le livre comme espace de création, provenant d’écrivains et de designers éminents, tels que Roland Barthes, Ulises Carriòn, Irma Boom, Marshall McLuhan et Rick Paynor. Ce volet, unique dans sa visée et sa perspective, a soulevé un vif intérêt chez les visiteurs.
Depuis 2001, Judith Poirier et Angela Grauerholz donnent aux élèves du cours Typographisme : illustration le défi de réaliser individuellement un livre imprimé réunissant tous les paramètres de design (typographie, mise en page, procédés d’impression, reliure). La sélection de livres conçus par les étudiants des dernières années a été un point fort de l’exposition. C’est dans le cadre de ce cours que 24 étudiants avaient à produire, durant ces trois jours intensifs, un livre collectif portant sur le thème de l’hiver en utilisant la fonte modulaire et la presse typographique de La chose imprimée. Le recueil final aborde différentes facettes de l’hiver québécois, notamment son incarnation dans la culture, la langue, les pratiques et l’imaginaire. Le cours donné à cette occasion par Georges Filotas a permis de faire connaître les rudiments de l’inuktitut et d’apprivoiser la culture inuite à travers un court récit de son expérience au Nunavik. On y a appris que cette langue est agglutinante et polysynthétique, c’est-à-dire que chaque mot est composé de nombreux morphèmes venant s’ajouter à sa racine pour en raffiner le sens.
La journée d’étude, qui clôturait l’événement, a attiré plus de 130 personnes de plusieurs disciplines (arts visuels, design et littérature), provenant des milieux professionnel et académique. Les conférenciers et les participants aux tables rondes avaient en commun une pratique en marge des cadres habituels de l’édition. Dans cette optique, la conception du livre devient alors une démarche hybride, où les rôles se mélangent, l’auteur étant aussi designer, artiste, éditeur. Les discussions ont permis de mettre en lumière la connexion actuelle entre les domaines de l’édition, de la diffusion et de la collection, qui, avec l’arrivée des nouveaux médias, tendent à se confondre. Si le développement des nouvelles technologies entraînera inévitablement sa transformation, le livre imprimé n’est pas près de disparaître, ont conclu les participants, particulièrement si sa matérialité est réfléchie. Il s’est dégagé de la journée d’étude que cette réflexion sur le livre conceptuel et le livre d’artiste était une nécessité dans le milieu, et elle s’est avérée d’autant plus stimulante pour envisager l’avenir de l’imprimé.
Le succès de cet événement est aussi dû à la précieuse collaboration du Centre de design pour l’installation de l’exposition et la logistique, ainsi qu’aux intervenants de la journée d’étude :
Catherine Métayer, éditrice et MA en édition, University of the Arts London