L’ensemble de l’équipe Latitude a tenu une première séance de travail avec leurs collaborateurs d’Ivujivik, soit Nelly Duvicq, docteure en études littéraires et spécialiste de la littérature inuite du Nunavik, et Thomassie Mangiok, graphiste impliqué dans l’éducation des jeunes Nunavimmiut. Ces derniers participeront au jeu de la rédaction tout en prodiguant leurs conseils afin d’éviter les faux-pas colonialistes ou l’utilisation inappropriée de l’inuktitut. Notre livre de spécimens permettra non seulement de mettre en commun des expertises disciplinaires variées, mais également d’établir un dialogue culturel entre Montréal et Ivujivik.
Nous avons discuté du projet de la Fraternité des Inuits du Canada (Inuit Tapiriit Kanatami) qui, depuis 2012, a mis sur pied l’Atausiq Inuktut Titirausiq, un groupe de travail cherchant une écriture unifiée de l’inuktitut. Cela permettrait de favoriser l’apprentissage de la langue ainsi que les communications entre les Inuits des quatre grandes régions du nord canadien (la région inuvialuit, le Nunavut, le Nunavik et le Nunatsiavut). Pour le moment, le syllabaire inuit demeure grandement utilisé au Nunavik. Si l’alphabet latin était choisi par l’ensemble des communautés inuites du Québec, cela faciliterait l’enseignement aux élèves qui doivent passer d’un système à l’autre. Au Nunavik le nombre d’heures d’enseignement en inuktitut diminue drastiquement à partir de la 3e année au profit d’un enseignement en langue seconde, français ou anglais (au choix des parents). Par contre, d’autres enjeux doivent être pris en compte dans ce débat, notamment l’attachement culturel au syllabaire inuktitut et le fait que ce dernier accélère la lecture des mots inuits, souvent très longs.
Actuellement, Judith et Camille inventorient toutes les pièces du système et leur potentiel de composition de caractères dans un document qui deviendra un outil de travail essentiel pour la suite du projet. Le concept choisi pour générer le contenu du livre consiste à présenter l’inventaire des morceaux par une suite de séquences, déterminées par le nombre de pièces produites (entre 4 et 30 exemplaires pour chaque morceau). Ce procédé aléatoire, qui cumulera au fil des pages l’ensemble des signes possibles, servira à composer des mots en inuktitut (syllabaire et alphabet), en français et en anglais, qui reflèteront la réalité du Nunavik.
Les deux designers ont pu poser des questions sur certains signes à Thomassie concernant les doubles voyelles. Ainsi, les 14 signes de la rangée des « ai » du syllabaire ne sont jamais ponctués par un point diacritique annonçant une double voyelle, alors que ceux des rangées « i », « u » et « a » le sont. Thomassie a également pu nous confirmer quels signes diacritiques sont utilisés au Nunavik et donner son aval à certains signes plus stylisés, dont celui représentant le son « ngng », qu’il trouvait esthétiquement intéressant et tout à fait lisible.
L’équipe de rédaction est donc en attente de l’inventaire complet qui déterminera les suites de morceaux et, par conséquent, les signes qui serviront à générer des mots sous forme d’anagrammes. Ce jeu d’écriture dans la contrainte permettra de dresser un échantillonnage de mots représentatifs du Nunavik actuel.