Voyage à Leipzig dans l’univers du livre

À l’occasion de la foire du livre de Leipzig se tenait le cinquantième anniversaire du prestigieux concours des plus beaux livres du monde de la Stiftung Buchkunst. Judith Poirier était sur place avec Angela Grauerholz pour la remise des prix, qui récompensaient les plus beaux projets parmi les 575 gagnants des concours nationaux de 32 pays. À cette occasion, elles représentaient trois livres d’étudiants de l’École de design de l’UQAM : Colorimétrie, de Nicolas Ménard, Bleu marin : recueil de poésie, d’Élizabeth Beaudoin, et PTTx archive & correspondance d’Emanuel Cohen.

Le jury international était composé de représentants de plusieurs régions du monde et de différentes disciplines, pour couvrir tous les aspects du livre. Dans une discussion préliminaire à la remise des prix, ils ont fait part de leurs critères pour évaluer la qualité d’un livre papier à l’ère numérique. Ils soulignaient que les différents médias coexistant actuellement contribuent à une nouvelle réflexion sur le livre, et augmentent l’exigence de qualité; il n’y a en effet plus d’intérêt à travailler sur des livres qui n’auraient pas une grande longévité, et n’exploiterait pas un certain retour à la matérialité jusque dans le détail. La tendance des livres actuels recoupe une grande variété d’approches, souvent interdisciplinaires, qui incluent une prise en compte de l’expérience physique de l’objet que fera le lecteur. Toutes ces considérations soulignaient pour nous la pertinence de nos recherches.

Le premier prix « Goldene Letter » du concours, Fallen, les a séduites par sa simplicité et son approche conceptuelle du graphisme, en proposant une expérience de lecture peu conventionnelle. Il a été conçu par Hans Jörg Pochmann, un diplômé de l’Académie de graphisme et de l’art du livre de Leipzig (Hochschule für Grafik und Buchkunst), très réputée pour la qualité de sa formation. Cette école, héritière de savoir-faire et d’équipements historiques, s’inscrit dans une approche contemporaine tout en mettant à contribution la richesse de sa tradition. Leur impressionnant atelier de reliure a par exemple servi à la reliure audacieuse d’un livre d’Irma Boom, Gutemberg galaxy II.

Une rencontre avec les professeurs Julia Blume et Günther Karl Bose, respectivement responsables du volet théorique et de la typographie dans cette académie, leur a permis d’échanger sur l’enseignement du design du livre. Ils dirigent aussi l’Institut du livre (das Institut für Buchkunst), qui sélectionne des projets d’étudiants pour les publier. Ils mènent ainsi des projets d’une grande qualité, dans une démarche proche de la nôtre, qui mêle recherche et création pour chercher à épuiser une thématique jusque dans ses moindres détails.

Elles ont également eu l’occasion de visiter la Deutch National bibliothek, qui, entre autres, archive depuis 50 ans les livres de tous les pays participants au concours. Sur place avait lieu l’exposition sur l’histoire du livre « caractères−livres−réseaux : du cunéiforme au code binaire », du Musée allemand du livre et de l’écriture (Deutsches Buch und Schriftmuseum), qui permettait de voyager dans le temps à travers des livres parmi les plus importants de l’histoire, réunis après plusieurs siècles dans une même pièce.

Une foire alternative du livre « It’s a book, it’s a stage, it’s a public place » avait également lieu, en parallèle à la foire principale, au Centraltheater. Cette foire était organisée par l’éditeur indépendant Spector books. Elle réunissait une vingtaine d’exposants de plusieurs pays, dont Bedford Press (Londres) ou Book Storage (Tokyo), avec de nombreuses publications inventives qui rejoignaient nos champs d’intérêt.

Elles en ont aussi profité pour visiter des galeries et des librairies spécialisées, dans le but de découvrir des lieux de diffusion intéressants. À Berlin, la librairie Moto, spécialisée dans les livres d’artistes, s’est montrée particulièrement intéressée par Colorimétrie, qui correspondait tout à fait aux types de publications qu’elle diffuse habituellement. Elles ont également été interpelées par Can you read me, qui propose un éventail de magazines d’avant-garde, ainsi que par la Gestalten space, boutique et lieu d’exposition, qui préparait l’événement Fully booked, une réflexion sur les nouveaux concepts et formes d’éditions.

Ainsi, ce voyage à Leipzig leur aura permis de voir les liens qui peuvent se tisser, à l’internationale, avec des professionnels et créateurs du livre qui sont dans des démarches apparentées à celle de La chose imprimée.

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